Déstabilisation : Enquête sur le rôle trouble de la Minusca en RCA
Dans une vidéo inédite découverte dans l'exploitation du téléphone d'un détenu, l'on aperçoit le chef rebelle Ali Darassa descendant, visiblement, d'un hélicoptère MI8 des Nations unies (ONU) en direction d'un avion de type AH-28; sous la surveillance d'hommes disposant d'une camionnette équipée d'une arme à gros calibres installée à l'arrière. En quittant la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), le chef rebelle n'avait déjà pas convaincu le gouvernement et une partie de l’opinion centrafricaine de sa sincérité dans la quête de la stabilisation de la RCA. Le voir autant encadré, aujourd'hui, de l'ONU - également considérée comme travaillant plutôt dans le sens du maintien de l'instabilité - nourri encore davantage de doutes autour de son engagement déclaré pour la paix.
Après les accords de paix de Bangui, fixant un partage de pouvoirs avec les groupes armés, l'ONU avait alors fait pression sur Bangui pour la nomination d'Ali Darassa comme autorité militaire à Bambari où il avait été chassé quelques années plus tôt par des groupes rivaux. Il faisait régner la terreur dans cette ville stratégique du centre du pays depuis 2014. L'image était alors saisissante. Sous le soleil de Bambari, le chef de guerre, rebelle banni de la ville qui arbore quatre étoiles de général (auto-proclamé), monte les marches de la mairie pour y être officiellement nommé conseiller ministériel. Sur la photo, se tiennent à ses côtés le Français Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint de l'ONU pour les opérations de paix, Smaïl Chergui, commissaire à la paix et la sécurité de l'Union africaine, et Firmin Ngrebada, Premier ministre.
Mais au-delà du poste, dans ce centre de la Centrafrique qu'il contrôle depuis plusieurs années, la nomination d'Ali Darassa signifie qu'il prend la tête de Bambari avec l'accord de Bangui, contre la population. "La population était énervée", explique le maire de la ville, Abel Matchipata. "Le conflit a fait beaucoup de victimes et beaucoup d'exactions, on a beaucoup de mal avec les groupes armés".
Ali Darassa et le soutien de Paris
Selon de nombreuses sources diplomatiques à Bangui, Ali Darassa a toujours agi avec l'onction de la France et dans les intérêts géostratégiques de Paris. La France l'aurait directement soutenu à travers le Groupe Castel via la Sucrerie Africaine de Centrafrique (SUCAF-RCA), filiale locale de la multinationale. Paris et le Groupe Castel avaient été régulièrement informés des violations flagrantes des droits de l’homme commises par l’UPC. Malgré cette connaissance, une enquête parue le 20 août 2021 de The Sentry - une ONG spécialisée dans la traque de l’argent sale en zone de conflit - révèle que la direction de la SUCAF-RCA a continué à fournir un soutien financier et logistique à des groupes criminels (principalement, mais pas exclusivement l’UPC) pendant plus de six ans, contribuant ainsi à alimenter le conflit armé en République Centrafricaine.
Le rapport indexe les miliciens du groupe UPC qui, malgré leurs activités criminelles, ont bénéficié de l'appui financier de SUCAF-RCA , géant de l’agroalimentaire et des boissons qui génère plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires chaque année.
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