Cameroun : de l’enfer du mariage forcé à l’exil
Dans son rapport de 2008, le Bureau Central des Recensements et des Etudes de Population au Cameroun estimait que 13% des filles camerounaises sont mariées avant l’âge de 15 ans et 38% avant 18 ans. La majorité des filles mariées avant leurs 18 ans provient des mariages forcés et précoces. Au Cameroun, le phénomène se perpétue et prend de l’ampleur car Il ne se passe plus un mois dans le pays sans qu’un drame familial lié à un mariage forcé ne fasse les choux gras de l’actualité locale. Rosine PEPITA en a appris à ses dépens. Depuis qu’elle a été mariée de force à un homme 20 fois plus âgé qu’elle il y a 23 ans, sa vie est devenue un vrai cauchemar. Originaire de l’Ouest Cameroun, cette jeune femme a été constamment violée, frappée, brutalisée et tabassée par son mari parce qu’elle refusait de l’aimer et d’assumer ses obligations conjugales, bref de lui livrer son corps. Des violences sexuelles et des sévices corporels qui ont continué pendant de nombreuses années encore…sous le regard complice de ses parents. Une situation de laquelle la jeune femme garde un grand traumatisme.
Nous sommes un 28 octobre 2011, il est presque 20h dans ce domicile d’un quartier populaire de Bangou à l’Ouest du Cameroun. Ce soir là, Rosine est entrain de faire sa cuisine lorsque son époux entré à la cuisine comme une souris, va la saisir brutalement les hanches en lui demandant de se laisser faire. En quelques secondes, la force de celui-ci étant largement supérieure à la sienne, elle va se retrouver toute nue et se sentir pénétrée. Malgré cela, elle va tenter de se débattre comme elle le peut, mais sera très vite réduite au silence par des coups de poing partout sur le corps.
Cette scène, elle la vivait une nième fois depuis 23 ans de mariage avec son époux. Un mariage forcé que Rosine n’a jamais accepté de consommer formellement. Quand elle avait 15 ans, pour quelques terres, ses parents ont décidé de la livrer comme une vulgaire marchandise à Alphonse TCHAMENI, un notable du village très fortuné qui avait 40 ans à l’époque…un peu plus de 20 ans de plus que Rosine.
Mais dès les premiers jours de la vie de couple, Rosine avait clairement fait savoir à son époux autant qu’elle en avait fait savoir à ses parents qu’elle ne l’aimait pas, qu’elle le haïssait et qu’elle pouvait être sa fille. Son seul souhait c’était de continuer ses études…un idéal désormais brisé par ce mariage contre-nature.
Sur cette route nigérienne de l’exil où nous avons rencontré Rosine, elle raconte que son véritable calvaire a commencé cette nuit du 28 octobre 2011. Pour se débarrasser de son époux qui abusait d’elle régulièrement et qui l’avait sérieusement amoché le visage, elle lui a révélé que le fils qu’il pensait être le sien est celui d’un autre homme. Son époux a fait une crise cardiaque et en est mort quelques semaines plus tard.
Depuis, les enfants que son époux a eues avec ses autres femmes lui profèrent des menaces et ont tenté à plusieurs reprises de porter atteinte à sa vie. Ses parents vers qui elle s’est tournée pour trouver du réconfort l’ont eux aussi promis la mort et l’ont renié. C’est face à cette situation et à la peur de perdre la vie en restant au Cameroun que Rosine a décidé de quitter clandestinement le pays pour se retrouver sur ce chemin de l’exil.
Rosine n’a pas jugé utile de porter plainte dans les services sociaux de son pays car le mariage forcé est condamné dans les textes, mais toléré par les autorités camerounaises. C’est une pratique qui est d’ailleurs très fréquente dans la plupart des ethnies au Cameroun au détriment des jeunes filles qui tous les jours subissent le même sort que Rosine. Plusieurs d’entre elles ont déjà perdu la vie dans ces mariages forcés.
De nombreuses ONG locales, à l’instar du Réseau National des Tantines (RENATA), interpellent constamment le régime au pouvoir au Cameroun afin que cette pratique soit totalement bannie. Mais une lutte qui n’a pas encore porté ses fruits jusqu’ici.
Comments